# Posted on Sunday 31 July 2005 - 1 Comment
Délit de sale gueule?
Le dispositif policier mis en place après les attentats de Londres, et notamment la mort d’un jeune Brésilien tué par erreur, pose la question du “filtrage racial” des suspects.
Certains craignent que dans la paranoïa ambiante, tous ceux qui n’ont pas la peau blanche soient traités comme des terroristes en puissance.
Cette crainte est exprimée de façon humoristique par un panneau observé récemment à la station de métro londonienne Notting Hill Gate (voir image à droite):
“Vous êtes priés de ne pas courir sur les quais – surtout si vous avez un sac sur le dos, un gros manteau, et l’air un peu métèque. Il y a va de votre propre sécurité. Merci.”
Certains Londoniens originaires du Moyen-Orient ou d’Asie du sud affirment, en plaisantant à moitié, qu’ils arborent dans le métro une copie de The Economist pour mettre en évidence leur appartenance au monde civilisé.
La journaliste Yasmin Alibhai-Brown, en revanche, ne plaisante pas du tout quand elle écrit: “Toutes les familles arabes et asiatiques que je connais ont plus peur des flics qui tirent pour tuer que des bombes.”
Les policiers britanniques affirment haut et fort qu’ils ne prennent pas pour cible ceux qui ont la peau brune. Mais c’est à New York, la ville la plus multiethnique au monde, que les autorités font le plus pour dissiper, en ces temps de vigilance renforcée, tout soupçon de tri racial.
Les fouilles de sac opérées dans le métro de la ville se font totalement au hasard: l’apparence des quidams stoppés n’entre pas en ligne de compte. De plus, ces derniers ont le droit de ne pas se soumettre à l’inspection – en quel cas l’accès au métro peut leur être interdit.
De telles précautions ne sont pas a priori absurdes: le tri sur des critères physiques pose problème et doit être maniée avec la plus grande prudence. Mais dans le cas présent, cette pratique semblent justifiée et les scrupules des autorités new-yorkaises exagérés.
Il n’y a rien de raciste ou d’irrationnel à considérer des blonds scandinaves ou des grand-mères chinoises comme des risques négligeables. L’inspection de leurs sacs ne sert à pas grand-chose, si ce n’est à ménager les susceptibilités des autres – un louable exercice de public relations totalement annulée dans le cas de New York par le traitement scandaleux infligés à des touristes sikhs britanniques auxquels des policiers ont passé les menottes.
(De plus, on voit mal l’utilité de fouilles auxquelles un kamikaze qui aurait la malchance de se faire stopper peut se soustraire, lui permettant de renouveler sa tentative ailleurs.)
Le filtrage racial, ai-je écrit, me semble justifiée dans les circonstances actuelles. Mais quels sont les éléments qui le rendent acceptable? Je proposerais les critères suivants:
– Il s’agit de parer à une menace que les enquêteurs savent grave et immédiate sans avoir de renseignement précis sur les auteurs.
– D’autre critères que la race doivent être pris en compte – en ajoutant le sexe et l’âge (la quasi-totalité des poseurs de bombes en Europe sont des hommes jeunes) on ratisse encore bien large, mais c’est un début de ciblage plus précis, le seul disponible initialement.
– Il faut respecter la distinction entre inspection et sanction. Les membres de groupes “à risque” ne sont pas des suspects. Cette distinction cruciale me semble être observée actuellement.
– Un travail d’explication – voire pourquoi pas d’excuses – doit être effectué auprès des groupes visés. Cette idée a été exprimée par Tunku Varadarajan du Wall Street Journal, qui défend le filtrage racial dans les conditions actuelles, même si en tant qu’Indien il a un “mauvais” profil:
“Nous devons demander à une section de la société de tolérer une surveillance accrue, en leur demandant également de s’efforcer d’éliminer la menace. Il est tout aussi important de demander au reste de la société de ne pas soupçonner tous ceux qui présentent des certains signes physiques, sans toutefois pousser notre société à baisser sa garde en vertu de scrupules raciaux ou moraux.”
Au-delà de la question du filtrage, il est essentiel que les autorités s’expliquent clairement sur la façon dont les véritables suspects sont traités.
C’est ce que n’a pas fait la police londonienne. Il est déplorable que les Britanniques aient attendu la mort de l’infortuné Brésilien pour apprendre que les agents avaient pour consigne d’abattre froidement les terroristes en puissance. Et on ignore toujours les critères précis en fonction desquels ils prennent une telle décision.
Si les autorités avaient fourni ces explications, on peut supposer que le jeune homme en question – qui était en situation irrégulière – se serait abstenu de fuir. Il vaut mieux risquer l’expulsion que cinq balles dans la tête.
Pour résumer, en ces temps exceptionnels on peut accorder à la police des pouvoirs exceptionnels – et notamment tolérer le filtrage racial – mais en échange les citoyens sont en droit d’exiger plus de transparence.
À cet égard, la notice de la station Notting Hill Gate fournit un excellent modèle – bon, disons qu’il en faut une version sérieuse.
A defense of racial profiling
The responses to the London attacks, especially the killing by police of a Brazilian mistaken for a terrorist, have thrown up the issue of “racial profiling”.
Many worry that in these times of creeping paranoia and “shoot-to-kill” policing, all dark-skinned people may be falling under suspicion with deadly consequences.
These fears were expressed in a humorous way by on tis notice board spotted at Notting Hill Underground station last week:
Those who heed this sensible advice must still endure suspicious glances from fellow commuters. Some Londoners of Middle-Eastern and South-Asian origin have said – only half in jest – that they conspicuously read the Economist to advertise their membership to civilized society.
Columnist Yasmin Alibhai-Brown has written, not at all in jest: “For all the Asian and the Arab families I know, this blast-to-kill policy is more scary than the bombs.”
London police deny targeting people on the basis of their appearance alone. But nowhere have the authorities tried harder to dispel fears of “racial profiling” than in the multi-ethnic capital of the world, New York.
There the searches instituted in response to the London bombings are truly random. NYPD officers have been ordered to inspect every twelfth of fifth bag regardless of who the carrier is. Those who refuse to comply can be turned away, but not forced to submit to the search.
Racial profiling is a delicate issue, which rightly triggers alarm bells. But in the case of Islamic terrorism the concerns are overdone.
An absolutist rejection of the practice is clearly wrong. It is neither racist nor irrational to regard Scandinavian blondes and Chinese grandmothers as negligible threats.
Inspecting their bags serves no other purpose other than to advertise the officers’ racial sensitivity — a public-relations effort that was negated in the case of New York by the outrageous way a bus-lead of British Sikh tourists were handcuffed and searched.
(Besides, what is the point of a policy that allows a bomber unlucky enough to have been selected at random to tell officers: “No you can’t search my bag” and try his luck at another entrance?)
I have stated that racial profiling is justified in the current emergency. But what is it that makes it acceptable? There is ample room for reasonable argument, but here are a few criteria:
– The threat is great and urgent enough to warrant immediate action with little or no information.
– Other clues are taken into account if at all possible – in the current situations narrowing the suspects down to young men probably makes sense, although it still casts the net widely.
– People are singled out for scrutiny, not for punishment. Politely asking people to open bags is fine; handcuffing them is not.
– Members of the targeted community should be involved – and even apologised to. This point was put by Tunku Varadarajan of the Wall Street Journal, an Indian-born man with the wrong “visual profile” who nevertheless defended racial profiling in a recent article :
“We have to ask one section of society to bear up under heightened scrutiny, asking them also to work extra hard -visibly so – to expunge the threat. Meanwhile, and just as important, we must ask the rest of society not to stigmatize those who conform to the broad physical category while also not allowing feelings of racial and moral guilt to slow our society’s response to danger.”
Beyond the issue of screening, police should explain clearly to the citizenry how suspects will be handled.
Whether or not the officers who shot the Brazilian man followed the proper procedures, the police force has already failed the public by not explaining what those procedures are.
Until the fatal incident at Stockwell station, Londoners had no idea there was a shoot-to-kill policy in place, and they are still unclear about what type of behaviour will unleash it.
The Brazilian had overstayed his visa, which could explain why he ran from police. Had he known that the officers were likely to shoot, he might have decided that deportation was preferable to five bullets in the head, and stayed put.
In short, citizens are entitled to expect clarity from police, in exchange for the extraordinary powers they righly require, including the power of racial profiling.
In fact what the British public needs is something like the Notting Hill Underground notice – well, a serious version of it.